Réintégration : des mots sur les maux

La réintégration dont on parle tant est pour le 15 mai, après une suspension de 20 mois. Si la plupart pensent que les suspendus sont comblés de plaisir et sont d’humeur à faire la fête, il n’en est pourtant rien. Pour mieux comprendre la situation, nous publions ici le très beau texte, en intégralité et sans aucune modification, d’Aurore Lamotte du collectif santé Saint-Nazaire, Aurore est une infirmière interdite d’exercice.

Nous remercions Aurore pour son aimable autorisation.

Chers compagnons de galère,

Que vous soyez suspendus, démissionnaires, en dispo, en reconversion ou autre, vous faites partie de ces personnes admirables qui ont lutté depuis des mois pour la liberté, pour protéger la vie !

En ce jour de vote favorable à la réintégration à l’assemblée nationale, beaucoup d’entre nous sont replongés vivement dans la tourmente.
C’est bien normal !

Bientôt 600 jours de suspension et beaucoup nous annoncent une grande victoire, un soulagement, la fin de la galère…
Enfin le bout du tunnel !

Et bien non !

La plupart d’entre nous sont tellement abîmés qu’ils ne peuvent se réjouir.

Nous avons vécu une injustice et des violences auxquels peu de gens sont capables de faire face.
La plupart a courbé le dos pour des raisons qui sont tout aussi respectables.
Dans ces moments si difficiles, chacun fait de son mieux.
Mais nous n’avons pas réussi à courber le dos, nous n’avons pas pu nous taire, nous avons fait le choix de nous lever et nous en avons payé le prix fort !
Seuls nos copains de galère peuvent se rendre compte du chemin de croix que nous avons traversé.

Alors aujourd’hui, comment se réjouir d’avoir le droit de retourner dans les griffes du lion ?
Comment être soulagés de retourner parmi les personnes qui nous ont le plus maltraité ?
Qui sauterai de joie en voyant les conditions de cette réintégration ?

Il n’y a que l’aspect financier qui peut appâter un petit peu…
Mais ceux qui nous connaissent vraiment savent que l’argent ne fait pas tout !
La preuve : nous avons survécu tout ce temps sans salaire ni chômage !

Alors non, on ne peut pas s’enthousiasmer de cette réintégration qui arrive comme un pansement sur une jambe de bois !
Notre traumatisme n’est pas reconnu, il n’y a ni excuses, ni compensation.

Chers amis-es, continuez de prendre le temps de guérir.
N’effacez pas tout ce chemin parcouru, encore moins après l’annonce de policitiens pour qui on a si peu d’estime !
Le plus gros challenge qu’il nous reste : ne pas nous laisser hypnotiser par des propositions faussement salvatrices !

N’oublions jamais que nous avons le pouvoir de décider de ce que nous voulons faire de ce vécu : une belle leçon de vie ou un tsunami qui a tout balayé dans nos vies !

À celles et ceux qui ont des proches suspendus, je vous demande d’avoir la plus grande bienveillance à leur sujet.
Ayez le respect de ne pas exulter de joie.
Acceptez le manque d’entrain concernant cette annonce.
Et si vous ne comprenez pas, faites au moins preuve d’indulgence face aux personnes abîmées que nous sommes !
Surtout ne posez plus cette question devenue insoutenable : « Comment ça va ? »
Un traumatisme si violent ne se guéri pas sur commande !

Il faut du temps et de la bienveillance pour s’en relever !

Merci 🙏🏻

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