AINSI C’EST DONC LA LOI ? MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL !…

Le droit et la loi, telles sont les deux forces ; de leur accord naît l’ordre, de leur antagonisme naissent les catastrophes.
Le droit parle et commande du sommet des vérités, la loi réplique du fond des réalités ; le droit se meut dans le juste, la loi se meut dans le possible ; le droit est divin, la loi est terrestre.
Ainsi, la liberté, c’est le droit ; la société, c’est la loi.
De là deux tribunes ; l’une où sont les hommes de l’idée, l’autre où sont les hommes de fait ; l’une qui est l’absolu, l’autre qui est le relatif. 
De ces deux tribunes, la première est nécessaire, la seconde est utile.
De l’une à l’autre, il y a la fluctuation des consciences.
L’harmonie n’est pas faite encore entre ces deux puissances, l’une immuable, l’autre variable.
La loi découle du droit, mais comme le fleuve découle de la source, acceptant toutes les torsions et toutes les impuretés des rives. 
Souvent la pratique contredit la règle, souvent le corollaire trahit le principe, souvent l’effet désobéit à la cause ; telle est la fatale condition humaine.
Le droit et la loi contestent sans cesse ; et de leur débat fréquemment orageux, sortent tantôt les ténèbres, tantôt la lumière.
Dans le langage parlementaire moderne on pourrait dire : le droit, chambre haute, la loi, chambre basse. […]
La chose jugée, c’est la loi ; la justice, c’est le droit.
Mesurez l’intervalle.
La loi a la crue, la mobilité, l’envahissement et l’anarchie de l’eau, souvent trouble ; mais le droit est insubmersible.
Pour que tout soit sauvé, il suffit que le droit surnage dans une conscience.
On n’engloutit pas Dieu.

DANS « ACTES ET PAROLES – AVANT L’EXIL « 
VICTOR HUGO

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